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L’Arche Verte – Streetart à Paris

La coque monumentale s’avançait sur l’eau paisible. Ses parois transparentes s’élevaient dans une courbure légère d’une centaine de mètres vers le ciel. Sa forme ronde dessinait à la surface de l’océan un cercle, dont les dimensions étaient celles d’une ville de quelques milliers d’habitants.

Ce navire gigantesque se nourrissait goulûment des débris qui formaient un continent de détritus dans le Grand Océan. Chaque morceau de plastique rencontré se trouvait attiré par son armature et renforçait un à un sa structure.
Sa partie immergée comportait une surcouche poreuse, retenant dans l’espace qui la séparait de la coque un ferrofluide, soumis à un champ magnétique puissant attaché à celle-ci. Le plastique se trouvait ainsi canalisé vers la paroi, sur laquelle prospérait une population d’algues synthétiques, produit de l’ingénierie biologique, qui se chargeait d’incorporer la nouvelle matière au bateau, vivres contre l’érosion provoquée par les flots salés.

Au-dessus, de l’autre côté de la paroi organiquement renouvelée en permanence, des couches de terre s’entassaient depuis le fond de la coque jusqu’à la ligne de flottaison. Cette terre fertile, contenue dans le semi-globe bravant l’océan, accueillait une forêt dense. Les arbres y croissaient et s’y multipliaient selon leur bon plaisir. Leurs branches résonnaient du gazouillis varié des oiseaux et du bourdonnement des insectes, leur tronc abritait rapaces et rongeurs, leurs racines profondément ancrées symbiosaient avec la vie invisible des microbes.

L’arche verte, objet vulnérable captif des vagues, voguait vaillamment, porteuse d’un monde isolé, inconscient qu’à sa porte la vaste Terre l’observait avec espoir.


Street art par Artiste inconnu // Une pensée pour l’actualité des terribles incendies qui ravagent la forêt amazonienne. Triste rappel que les données écologiques et leurs enjeux civilisationnels échappent à notre compréhension du monde qui nous abrite, et par conséquent à notre façon d’envisager l’avenir en son sein.

Boisement en mer

Il y a quelques temps, avec un collègue, nous nous étions mis à imaginer, au cours d’un déjeuner, un moyen de répondre à la fois à la pollution des océans et au changement climatique. Nous cherchions d’une part à exploiter économiquement les continents de plastiques qui polluent nos océans et, d’autre part, à trouver un moyen de permettre, par un boisement, un bilan carbone positif. De cet échange était né l’idée d’un pot de fleurs géant, flottant dans les océans, et capable d’agréger le plastique et de l’incorporer dans sa structure. Naturellement (!), il s’agit d’un prototype, qui, une fois ses preuves faites, ouvrirait la voie à une vaste opération de forestation des océans (cela va sans dire !). Projet inspiré notamment par des idées aussi géniales que celle d’îles artificielles faites de bouteilles en plastique :

L’une des questions que nous nous étions posée était celle de l’agrégation des plastiques en milieu océanique. En gros, comment faire pour aimanter la matière plastique dans le but d’en faire un amat solide que nous pourrions sculpter pour lui donner la forme du pot de fleurs recherchée ? Il se trouve que récemment, Google a remis son Science Fair Award 2019 (prix pour une compétition scientifique spécial jeunesse) à un jeune chercheur irlandais, Fionn Ferreira. Le prix récompense son travail sur le développement d’une technique pour retirer de l’eau une dizaine de types de microplastiques. Ecoutez le jeune homme vous présenter son travail :

Avec mon collègue, nous sommes tout à fait d’accord pour collaborer avec ce jeune talent, afin de mettre au point notre idée de forestation océanique ! 😉

Le Bateau Ivre, Arthur Rimbaud (1871) – Streetart à Paris et Vitry-sur-Seine

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J’étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l’oeil niais des falots !

Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sûres,
L’eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d’astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l’amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir !

J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l’assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

street art paris ariane pasco dessin d'arthur rimbaud par paul verlaine
Reprise par la street artiste Ariane Pasco du dessin que réalisa Paul Verlaine d’Arthur Rimbaud en 1886

J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants.
– Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux…

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d’azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l’Europe aux anciens parapets !

street art paris Dessin bateau sur mer

J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
– Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles,
Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer !

Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

C’est où ?

Vie et Destin – Streetart par the Night Owl, Vitry-sur-Seine

« Chacune de ses paroles, qu’elle attendait avec impatience, la brûlait. Mais il y avait autre chose dans cette conversation, et cela la rendait encore plus pénible, elle sentait que Maazel avait cherché cet entretien pour lui et non pour elle. Et elle en éprouvait de la rancune pour le chirurgien.

Mais pourquoi est-ce que je vous raconte ça ? – Streetart par Guate Mao, Paris

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Quelqu’un vous a-t-il déjà fait une déclaration d’amour ? Et vous-même, avez-vous dit à quelqu’un que vous l’aimiez ? Pardonnez-moi si vous me trouvez intrusive, un des luxes de l’âge est de moins s’encombrer des conventions sociales. Personne ne m’a dit de mots d’amour. Ma mère est morte lorsque j’avais quatre ans et ma grande sœur a pris sur elle de veiller sur moi comme une petite maman. La nouvelle femme de mon père l’a convaincu de se débarrasser de nous et nous avons été placées chez des fermiers chez qui nous avons grandi heureuses… Mais pourquoi est-ce que je vous raconte ça ? Je ne le sais plus.

Entrechoc – Streetart par La Miela, Paris

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Les portes du bar s’ouvrirent sur une gêne péniblement contenue. En un instant suspendu, les regards se croisèrent, tremblotant d’une paralysie indicible, de celle qui condamne les lèvres quand les têtes battent plus forts que les cœurs. Son pas hésitant la conduisit à sa table préférée, près de la fenêtre, en face du comptoir, au nœud du goulot qui mène de l’entrée des habitués à la salle de ceux qui mangent, lieu parfait d’où sa nature engageante aimait entamer d’ordinaire la conversation avec le tout passant. Mais aujourd’hui, les retrouvailles avec sa place de prédilection se déroulaient dans un embarras inconfortable.

La Chouette (Victor Hugo) – Streetart par Nadège Dauvergne, Paris

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Une chouette était sur la porte clouée ;
Larve de l’ombre au toit des hommes échouée.
La nature, qui mêle une âme aux rameaux verts,
Qui remplit tout, et vit, à des degrés divers,
Dans la bête sauvage et la bête de somme,
Toujours en dialogue avec l’esprit de l’homme,
Lui donne à déchiffrer les animaux, qui sont
Ses signes, alphabet formidable et profond ;
Et, sombre, ayant pour mots l’oiseau, le ver, l’insecte,
Parle deux langues : l’une, admirable et correcte,
L’autre, obscur bégaîment. L’éléphant aux pieds lourds,
Le lion, ce grand front de l’antre, l’aigle, l’ours,
Le taureau, le cheval, le tigre au bond superbe,
Sont le langage altier et splendide, le verbe ;
Et la chauve-souris, le crapaud, le putois,
Le crabe, le hibou, le porc, sont le patois.
Or, j’étais là, pensif, bienveillant, presque tendre,
Épelant ce squelette, et tâchant de comprendre
Ce qu’entre les trois clous où son spectre pendait,
Aux vivants, aux souffrants, au bœuf triste, au baudet,
Disait, hélas ! la pauvre et sinistre chouette,
Du côté noir de l’être informe silhouette.

La Gifle Urbaine – Streetart par Artiste Inconnu, Paris

Trois ans, j’ai traversé ces rues au plus pressé, comme un maître passe en revue le chantier de fouilles qu’il méprise à force de le côtoyer. Arpenter son étendue, de la sortie du métro à mon bureau puis dans l’autre sens, en saisir les voies et leur enchainement, et, en une semaine de temps, figer pour la suite des jours ouvrés l’optimisation de mon passage en son dédale. Avec les autres ouvriers de cet ouvrage ignoré, nous nous croisons par centaines dans ses allées chaque matin et chaque soir. Entre nous, aucune coordination des tâches. Nos avancées parallèles confinent à l’économie du nombre de nos pas plutôt qu’à l’échange entre compagnons. Tous avons à l’esprit la journée qui s’annonce ou celle qui s’est finie, occupation dont l’ajout des jours aux jours confirme le dédain que portons aux chemins qu’empruntons.

Reflections of a Wall – Street art par Loghan Hicks, Paris

The grey wall bathed in the morning white light, shy and unnoticed. Streams of passengers ignored its palish look and mood. Rather they poured by it with endless complaints about their troubled lives, unanswered hopes, and loneliness of hearts. The wall grew bitter, suffocating as the silent witness it was, drowning in the open air.

Exprimer l’infini – Streetart par Ender, Paris

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La porte s’ouvrit et l’assistante du médecin se présenta à l’entrée de la salle d’attente. Elle regarda le monsieur qui répondit à l’appel de son nom et l’invita à la suivre pour commencer ses examens. Celui-ci se leva et disparut de l’autre côté de la porte qui se referma doucement. Son fils qui l’accompagnait sortit un livre de prières et commença de le lire en silence pour le bon déroulement de ces examens que toute la famille redoutait.

Un… Deux… Trois… Lumière ! – Streetart par Bordalo II, Paris

La nuit tombée, la créature se glissait derrière le muret qui domine la route et guettait les voitures. Quand une candidate s’arrêtait au feu rouge en-dessous, elle bondissait hors de sa cachette, se plaçait sur le muret où elle prenait une pose menaçante sous la lumière du réverbère. Son ombre terrifiante se projetait démesurément grande sur le mur d’en face, qui borde la voie où s’arrêtent les véhicules. À chaque fois, un succès : l’auto et ses occupants prenaient peur et bravaient l’interdit du feu rouge pour échapper au prédateur nocturne.