Claquent au sol et percutent les parois les cadences disparates des gens pressés.
Les couloirs de la station débordent du pas des voyageurs qui tricotent. Les manches se frôlent, les lacets se défont, la foule file. Chaque couloir canalise la cohue et distribue dans les artères du métro la populace grouillante, fleuve sauvage qui serpente, fluide, au milieu de la flore locale des rectangles en faïence blanche et des réclames.
Dans cet environnement hostile, les particules vivantes en mouvement manœuvrent soigneusement pour éviter le choc d’une rencontre.
L’instinct de survie a contraint ces troupeaux agités à abandonner le langage. Par un effet d’adaptation, ces animaux ont ainsi remplacé les mots inutiles par des onomatopées de circonstance : ohhhh, pffff, tssss.
Tous ne tiennent pas, mais la masse n’en a que faire. Elle piétinne les faibles qui tombent, seul moyen de ne pas disparaître à son tour.
Parfois, il arrive qu’un membre de cette colonie bouillonnante fasse un pas de côté. Il s’arrête et se met à l’abri, tapi dans l’ombre des panneaux d’information qui ont poussé là. Cet individu sorti du flot ininterrompu de ses semblables prend alors le temps de s’interroger sur sa destination. Il consulte l’avenir dans les lianes entremêlées des lignes du réseau qui s’offrent à lui comme autant de voies possibles. Et peinant à trouver une réponse satisfaisante, ce primate triste remet en cause sa raison d’être et émet des hypothèses folles sur le sens de la vie.
À n’en pas douter, un écho lointain de sa parenté humaine.
Street art par Philippe Baudelocque
L’univers de Philippe Baudelocque est un mélange poétique d’animaux et d’éléments astraux. Entre autres exemples, vous pouvez admirer son travail dans le sous-sol du Palais de Tokyo, à la Butte aux Cailles, ou encore à Vitry-sur-Seine. L’artiste vient de réaliser une série sur les piliers de la station de RER Châtelet-les-Halles. On peut y admirer un gorille, une chouette, un loup, et aussi des fleurs et des compositions visuelles originales. Retrouvez l’article complet au sujet du travail de Philippe Baudelocque à la station Châtelet sur le blog de la voix de l’art urbain.