– Pardon d’être désolé, une question me vient.
– Je suis tout ouïe.
– Un point me chagrine dans notre entrevue.
– Dites-moi votre gêne et dissipons la méprise.
– Ne voyez dans mon propos aucune malice, mais voilà, il me semble bien que vous me prenez pour cible.
– Merci de votre franchise.
– Oh ce n’est rien. Tel que je le comprends, la franchise est typique des personnes tenues en joue.
– Votre humilité vous honore.
– Et vous, vous tentez de me flatter, même que j’en ai la jambe gauche qui se disloque de plaisir !
– Quelle satisfaction de pouvoir susciter de telles émotions ! Pour l’affaire qui nous concerne, je comprends votre embarras.
– C’est fort aimable à vous.
– Je vous recommande d’ailleurs d’être étonné d’apprendre que votre remarque ne me surprend pas.
– Ah. C’est étonnant.
– Oui, je partage l’avis que je vous suggérais dans ma phrase précédente, c’est étonnant, voire même c’est singulier.
– Comme la vie est pleine de coïncidences étonnantes, voire singulières !
– Pour tout vous dire, c’est une chose que l’on me dit souvent.
– Que vous prenez les gens pour cible ? Etrange.
– Très.
– Bon, ça me rassure, c’est arrivé à d’autres.
– Mais comment diriez-vous que ça se manifeste au juste ? Il doit bien y avoir quelque chose.
– Eh bien, tout le mérite revient à votre gestuelle et votre outillage impeccables qui ne laissent que peu de place aux interprétations hasardeuses.
– Ne me dites pas que c’est ce pistolet pointé sur votre personne qui oriente votre pensée.
– C’est-à-dire que le canon est convaincant !
– Vous devriez entendre sa musique, un délice !
– Je sens bien qu’il ne me laisserait pas le temps de lui rendre l’écho de son chant.
– Pan pan !
– Le con, il m’a fait peur !
– Désolé… l’appel de la rime.
– J’ai moi aussi l’amour des mots… Mais là pardon, mon sens poétique est rendu timide : j’ai la fleur et vous le fusil.
– Comprenez qu’en me refusant de toucher votre cœur, c’est le mien qui vole en éclats.
– Ça me va très bien comme ça !
– Ratatatata
– Le con…
Street art par @hello.klim