Le soir tombe doucement dans cette rue, de façon plus notable que dans les rues voisines plus fréquentées. Est-ce sa disposition ou ses pavés rebutants qui expliquent le désintérêt des passants? Qui sait. Cette rue est résolument résidentielle, ennuyeuse, commandée par le train train et les habitudes des familles qui l’habitent.
Le soir toque tôt aux tristes portes toutes droites de cette artère de toits tendus, austères. S’allument alors dans chaque foyer les lumières, rares signes de vie, traînée de petits carrés jaunes qui se répand soudain vers la perspective de cette rue, couverte d’un épais ciel assombri.
A l’intérieur, il est l’heure de la soupe et des récits de la journée. Les uns et les autres racontent école, travail, re-école, re-travail, et puis débarrassent la table, et puis télé, et puis au lit. A l’extérieur, à mesure que s’avance l’heure et que la routine des locaux ronfle, les esprits prennent vie.
Quelle langue parlent donc les fantômes ? Qui pourra comprendre le lent déroulé de leurs chants, tantôt sonorités arrondies, tantôt écailles piquantes, tantôt béné, tantôt malédiction ? Qu’importe, les vivants dorment, et les esprits rôdent, et demain inverseront leurs rôles.
Streetart par Claire Courdavault à retrouver rue des Maronites.
Aimez-vous les histoires de fantômes? Si oui, je vous recommande la lecture des livres d’Isaac Bashevis Singer, auteur lauréat du Prix Nobel de Littérature de 1978. Il se spécialise dans les histoires de fantômes, d’esprits, de petits démons du quotidien qui influent sur notre vie. Lors du dîner de réception des Nobels en 1978, il a donné un discours riche de sens, expliquant pourquoi il écrivait en Yiddish, et sa croyance de le renouveau de cette langue, qui pour le moment était très utile à décrire la vie des fantômes! En voici un extrait: