Gracieuse, l’autruche fit son entrée d’un pas majestueux, consciente de son statut de cliente qui faisait d’elle une reine en ces lieux.
« Oh Madame Gertrude ! Quelle heureuse surprise que cette visite quotidienne dans notre humble établissement ! » Ainsi l’accueillait chaque jour la patronne du salon, une oiselle obséquieuse. Cette dernière accompagnait ses bienvenues exagérées d’une chorégraphie ridicule, ronds de pattes dans son esprit indispensables au standing qu’elle souhaitait pour son enseigne.
Ici tout le monde connaissait Madame Gertrude et se tenait à ses petits soins. Le chef de salon, un pélican autoritaire, l’invita à le suivre pour rejoindre son fauteuil attitré. À sa suite, une nuée d’oisillons battaient des ailes en rythme, prêts à offrir leur savoir-faire inimitable à la Grande Dame : la Permanente à l’Envolée du Bec.
Il s’agissait d’une technique toute particulière, mise au point par Jacques Mésange. L’oisillon prenait en son bec une mèche de cheveux puis, s’appuyant sur le crâne de la cliente, effectuait un décollage vrillé à la verticale, ce qui assurait un résultat des plus étonnants.
Depuis que le magazine « Aile », par la plume de sa journaliste experte en tendances lifestyle/bien-être/hygge/méditation/shopping, Madame Gertrude, lui avait consacré un numéro spécial, le salon la Voli’hair ne désemplissait pas. Et ce succès valait bien à la journaliste un traitement de faveur…
« …Quand bien même il s’agit de coiffer les trois pauvres poils qu’elle a sur le caillou ! » marmonnait pour elle-même froidement la patronne en regardant la Gertrude se faire vriller ce qui lui tenait lieu de chevelure par une armée d’oisillons dévoués à la tâche.
Streetart par Matt_tieu & l’Oiseau Craie