L’eau coulait sur tout son corps, jauni par la vieillesse.
Chaque matin, méthodiquement, elle suivait le même rituel. Elle allumait dans la salle de bain son vieux poste de radio qui se mettait alors à crachoter les informations.
Elle retirait ensuite ses pantoufles, rentrait en chemise de nuit dans la baignoire et fermait le rideau de douche, habillée, de peur que le reste de la petite pièce ne la voit nue.
Son vêtement, elle le jetait depuis l’intérieur de son espace clos, par dessus la tringle, sur une tablette qui se tenait juste sur le côté de la baignoire. Cinq décennies dans cet appartement avaient parfait le geste.
À peine dévêtue, l’eau coulait de la douche. Froide. Toujours froide.
C’était une habitude qu’elle avait gardé de la Guerre.
On n’avait rien, disait-elle. Ils avaient tout pris. Et même après, on a eu le rationnement jusque tard, disait-elle. On se lavait comme ça, c’est tout.
De toute façon, elle n’avait rien gardé d’autre pour elle que les habitudes de la Guerre. Tout le reste était allé aux autres. À son mari volage qu’elle aimait tant, à ses enfants gâtés qu’elle souhaitait gâter plus, à ses vieux voisins qu’elle chérissait sans les connaître.
Aujourd’hui, ils étaient tous partis, chacun son chemin, sous ou ailleurs sur Terre.
Chaque matin, elle prenait sa douche. Froide. Toujours froide, et qui ne lui faisait rien.