Qui comme nous a vu
Dans la nuit s’avancer
Par l’onde du sentier
Le pas d’un Inconnu?
Dans sa marche résonne
Les siècles et leurs légendes,
Dans sa gibecière attendent
Les contes de mille automnes,
Sagesses amassées
Des gardiens de mémoire,
Qui se font un devoir
De savoir, de passer.
Qui donc, ô ! Qui donc, qui,
A vu et écouté
Le promeneur âgé
Aussi vieux que la pluie
Dire comment fut fait
Le Monde et ses trésors,
De sa voix de Stentor
Enoncer les bienfaits
Que déversèrent là
Quelques dieux et esprits,
Science que nous, petits,
Nommons encore Alpha?
Il sait narrer sans fin
La naissance du Temps,
Fruit d’amour innocent,
Fils d’un couple divin
Qui bien tôt entrevit
Le coeur humain – dans ses
Bontés nombreuses – dans ses
Haines voleuses de Vie.
Las, las ! Que le Destin
A élu de purs êtres
Pour d’eux se rendre maître
Et rendre l’Espoir vain.
Le vieux conteur ému
Se souvient en tremblant
L’offrande des amants
Consentie et voulue:
Pour sauver l’Humanité
L’un se fit Jour toujours,
Endura par amour
Chaque mort par l’Épée.
L’autre, Nuit infinie,
D’un chant nouveau rappelle
De chaque fin cruelle
Sa moitié vers la Vie.
Les astres éternels
Dans leur course diurne
Dans leur galop nocturne
Contemplèrent fidèles,
Obstinément comptèrent
Chaque pas, chaque pied
Rapprocher le guerrier
De la fin du désert
Traversé librement,
Jusqu’à n’en plus pouvoir,
Jusqu’au bord de l’espoir,
Par le Jour chancelant
Que la Nuit réconforte
Et d’un souffle ravive
Sa flamme combative
Puis son Ami exhorte
A reprendre la route,
Pleurant toutes les larmes
De son corps en vacarme
Et l’envoyant sans doute
Vers les nouveaux trépas,
Condamnations injustes
Et sacrifices augustes,
D’où le réveillera.
Ecoutez, écoutez
Crier en venant au Monde
La Tragédie immonde,
La complainte entonnée
Sonner les notes amères,
La mélopée cruelle
S’élever vers le ciel
Sans qu’on la puisse taire :
Quelle est donc leur victoire,
Eux qui chemin faisant
Ont enclenché le Temps,
Eux qui fendent l’Histoire?
Las, las ! Qui comme eux brûlent
À flammes sangs d’or sombre
À confondre leur ombre
En Aurore et Crépuscule?
De leurs amours naquirent
Les Saisons et leurs Lois
Que les Sages par Foi
En leur cœur accueillirent
Pour bâtir la Cité,
Présent aux Hommes bons
Offert par divin don,
Et tous les abriter.
De toujours à toujours,
Rayonne leur mémoire.
Inébranlée, leur gloire
Illumine les jours
Et les générations,
Qui à travers les Âges
Ont reçu en partage
Mille bénédictions,
Au-dessus de leurs têtes,
Scrutant leur pauvreté,
Couvrant leur nudité,
Mains étendues offertes.
Jamais Amour si pur
Ne fut sort plus sublime
Que ce choix de l’abîme
Où seule leur droiture
Put servir de boussole
Par chemins incertains
Et routes sans destin,
Sans servir les idoles.
A la suite du Temps,
Partout Ils devancèrent
Les malheurs et misères
De leur Peuple innocent.
Entendez, entendez,
Comme la terrible Bête
Née, voulant notre perte,
Est ainsi terrassée,
Par notre souvenir,
Vivant dans les siècles,
Aïeux, Enfants en cercle
Sans fin en devenir,
Chantant, louant en choeur,
Les Amants réunis
Qui ont trompé la mort,
Refusant ses trésors,
Et adorant la Vie.
Qui comme nous a vu
Dans la nuit s’avancer
Par l’onde du sentier
Le pas d’un Inconnu?
Dans sa marche résonne
Les siècles et leurs légendes,
Dans sa gibecière attendent
Les contes de mille automnes,
Sagesses amassées
Des gardiens de mémoire,
Qui se font un devoir
De savoir, de passer.
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