Notes de joie et notes de fièvre, notes qui en mélodie folle s’offrent et se perdent. Conquête de l’archer sur le manche de l’instrument complice, le violoniste, enfant génie, laisse le plaisir à ses doigts d’explorer la longueur des cordes, d’exercer sur elles la bonne tension, de les pincer avec précision, d’en tirer l’air désiré.
Sa musique entraînante, éclat étincelant, vole à la nuit la tristesse de ses pleureuses aux complaintes misérables. Quittez, quittez vos lamentations ! leur dit-elle et les convie au chant, dansé, applaudi, hymné, endiablé, réjoui, du jour vacillant. Joie aigre et sobre ivresse tournent en rondes, suivant les sonorités de tout un Monde, bientôt enseveli au ciel, dissipé sous le gris rideau en une brume poussière d’âmes et d’os.
L’écho d’un pays englouti hante pour une mesure de violon encore la place, où naguère résonnèrent le cri des jeux bambins, l’annonce des marchands, l’Espoir et la Grâce. La bête immonde, vorace, le goût du sang à la gueule, ne sera rassasiée qu’au dernier innocent dévoré. Rien ne calme l’ardeur de ses crocs ; ni pleurs, ni prières, ni supplications ne sauraient de sa faim la dévier.
L’enfant soliste achève la dernière note. Elle meurt dans un long gémissement. Au loin se rapproche le bruit des bottes. Demain l’emmèneront sûrement.
Street art par Jef Aerosol, réalisé à Bruxelles – Ce texte « Enfant Génie » est la première partie d’un texte illustrant des violonistes en pochoir. La deuxième partie intitulée « Souvenir du Violoniste« peut être lue également sur ce site.