Chaque matin, avant de s’élancer dans sa course au bus, il griffe un trait sur le mur de son immeuble.
Condamné au travail, pour encore une bonne trentaine d’années, il compte ainsi les jours. Rituel idiot.
– Qui dérange ainsi mon sommeil ? Qui chaque jour vient gratter à ma porte ? Malheur à celui qui cherche mon réveil.
Chaque matin, avant de s’élancer dans sa course au bus, il griffe un trait sur le mur de son immeuble.
Condamné au rythme d’une vie qu’il ne peut refuser, pressé par les traites de l’appartement, la pension du p’tit, l’impôt sur le souffle, il compte ainsi les jours. Bête coutume.
– Qui donne un contour à mon visage ? Qui chaque jour me dessine trait à trait ? Malheur à celui qui veut me voir prendre forme.
Chaque matin, avant de s’élancer dans sa course au bus, il griffe un trait sur le mur de son immeuble.
Condamné comme tout le monde finalement mais refusant d’être tous les autres, il fait de son égratignure quotidienne sa signature vengeresse et compte ainsi les jours, enflammé. Un calendrier comme un âtre.
– Imprudent, tu as fini de me façonner et ta colère est devenue ma colère. Je m’en vais donc la répandre, moi l’écorché des murs. Car ainsi naît l’esprit des viles urbains.