La Rose et le Réséda (Louis Aragon, 1943) – Street art par Petite Poissone, Paris

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l’échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas

Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l’un fût de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l’un chancelle
L’autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l’autre gèle
Lequel préfèrent les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Nos sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu’aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
A la terre qu’il aima
Pour qu’à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
L’un court et l’autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L’alouette et l’hirondelle
La rose et le réséda


Streetart par Petite Poissone

Composé et publié en 1943 par Louis Aragon, communiste et alors engagé clandestinement dans la Résistance, le poème est à nouveau publié en 1944 avec l’ajout d’une dédicace, qui résumé à elle seule le propos de l’auteur: « A Gabriel Péri et d’Estienne d’Orves comme à Guy Môquet et Gilbert Dru », quatre résistants, deux communistes et deux catholiques, tous fusillés. Il s’agit d’un appel à l’union de tous par-delà les convictions, religieuses et politiques, au sein de la Résistance, tous étant désireux de secourir la France, présentée en allégorie sous les traits de la jeune femme. Vous trouverez ici une analyse détaillée que j’ai trouvée bien construite.

Voici également une mise en images réalisée en 1946 d’André Michel du poème, lu par Jean-Louis Barrault:

Et enfin une interprétation par Juliette Gréco donnée en 2004 à l’Olympia, sur une musique de Bernard Lavilliers:


C’est où?


 

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