Un pas puis un autre, un pas puis un autre, son allure résonnait en un faible écho dans le soir finissant, dans les ruelles doucement éclairées, et c’est tout le quartier qui petit à petit lui revenait. Elle se souvenait peu à peu que gamine, elle avait grandi ici, entre ces murs vieux, sous ces fenêtres fatiguées. Au fil de son excursion, sa mémoire se ravivait et les pavés et les trottoirs, les commerces bordant la place, les cris et les amusements des autres reprenaient vie dans son esprit, tandis qu’elle, toujours hagarde, allait, marchait un peu au hasard, comme perdue.
Elle laissa derrière elle la place, pour s’enfoncer au coeur de la vieille ville, à l’heure où elle ne croiserait d’autres témoins que les chats, compagnons gris nocturnes, eux-aussi ombres mêlées au décor. Elle n’avançait plus, mais filait, se déplaçait à la manière d’un nuage à forme humaine, longeant les façades en tête à tête, auxquelles les réverbères daignaient accorder leur lumière par interstices. Sa démarche hasardeuse se précisait à mesure que la visite progressait.
Elle passait à présent en revue les maisons de la bordure extérieure du village, là où pointait la fin de la confusion, et s’arrêta devant la dernière, la seule dont une des fenêtres était encore allumée à cette heure avancée. Elle reconnut ses occupants et leur tristesse, pleurant avec eux d’une complainte silencieuse, la détresse des gens éthérés. Et se tenant là, à l’extérieur de son ancienne demeure, où les siens la regrettaient, elle ressentit pour la première fois de son pèlerinage la chaleur du foyer retrouvé, passant sur son être absent comme un halo blanc.
Street art par Alice Pasquini