« J’ai observé les nombreux photographes d’ici, qui sont comme partout et qui ont apparemment beaucoup à faire. Mais toujours les mêmes yeux, bouches, nez conventionnels, cireux et lisses et froids. Cela reste quand même toujours mort. Et les portraits peints ont une vie propre qui émane des profondeurs de l’âme du peintre et que la machine ne peut pas atteindre. Plus on regarde de photos et plus, me semble-t-il, on le sent. »
« Je me sens triste de ce que même en cas de succès, la peinture ne rapportera pas ce qu’elle coûte.
[…] Moi – je me sens passer l’envie de mariage et d’enfants – et à des moments je suis assez mélancolique d’être comme ça à trente-cinq ans lorsque je devrais me sentir tout autrement. Et j’en veux quelquefois à cette sale peinture.
C’est Richepin qui a dit quelque part :
L’amour de l’art fait perdre l’amour vrai..
Je trouve cela terriblement juste, mais à l’encontre de cela, l’amour vrai dégoûte de l’art.
Et il m’arrive de me sentir déjà vieux et brisé et pourtant encore amoureux assez pour ne pas être enthousiaste pour la peinture. Pour réussir, il faut de l’ambition, et l’ambition me semble absurde. Il en résultera je ne sais quoi, je voudrais surtout t’être moins à charge – et cela n’est pas impossible dorénavant – car j’espère faire du progrès de façon à ce que tu puisses hardiment montrer ce que je fais sans te compromettre. »
« Là – revenu ici je me suis remis au travail. le pinceau pourtant me tombant presque des mains et – sachant bien ce que je voulais j’ai encore depuis peint trois grandes toiles. Ce sont d’immenses étendues de blés sous des ciels troublés et je ne me suis pas gêné pour chercher à exprimer de la tristesse de la solitude extrême. Vous verrez cela j’espère sous peu – car j’espère vous les apporter à Paris le plus tôt possible puisque je croirais presque que ces toiles vous diront ce que je ne sais dire en paroles ce que je vois de sain et de fortifiant dans la campagne. Maintenant la troisième toile est le jardin de Daubigny tableau que je méditais depuis que je suis ici. »
Extraits des lettres de Vincent Van Gogh à son frère Théo (1885-1888). Il est possible de consulter l’intégralité des correspondances de l’artistes sur un site tenu par le Musée Van Gogh d’Amsterdam.
Street art par Smile