Un jour, nous nous sommes engueulés sévère avec ma femme. C’était une dispute magnifique, celle où il n’y a plus de filtres, où ça part de rien en apparence, où on avait pas vu venir le truc, où on cherche le plus bel argument pour clouer le bec de l’autre sans succès. On a fini par atteindre le point de non-discussion. Tout échange rendu impossible, je m’évacue de l’appartement familial.
Hors de moi, je refais le match dans ma tête en arpentant le quartier. Je cherche dans les gens que je croise, des visages avec lesquels poursuivre triomphalement ma démonstration. C’est marrant d’ailleurs parce que quand je discute seul avec elle comme ça, je me dis que je vois vraiment pas pourquoi elle voit pas que j’ai raison !
Lessivé d’avoir marché comme un furieux, je me pose au parc du coin, sur un banc, en colère, toujours.
Et là, sorti de nulle part, un type s’assoit à côté de moi, l’âge avancé, asiatique, calme, zen, silencieux. Bon parisien, je commence par le dévisager. Ça réagit pas. Il me regarde juste, sans un mot.
Ça m’énerve. Alors je me mets à lui demander ce qu’il veut, a dire n’importe quoi genre que je peux lui envoyer un selfie s’il veut ! Silence. J’enchaîne en lui disant que je passe une sale journée et qu’il faut pas m’chercher aujourd’hui. Silence. Du coup je me mets à lui raconter toute la dispute avec ma femme et à présenter dans le détail nos arguments et pourquoi selon moi on n’arrive pas à se mettre d’accord. Silence. Je finis par chialer en lui disant qu’il a raison, que je suis d’accord avec lui, que je me suis énervé pour rien… Silence.
Il sourit, me prends dans ses bras, me fait un câlin, se lève, part, me laisse le bec cloué.
Street art par Matthieu
C’est où?