Il faisait tard, il faisait soir lorsque Mike quitta le bureau qu’il fut le dernier à déserter ce soir-là, ce dont il prit conscience en éteignant la lumière après avoir lancé un ultime « y’a quelqu’un » auquel un silence profond servit de réponse, une absence de réponse qui lui glaça le sang un instant et lui fit l’effet d’une mauvaise nouvelle, de celles que l’on sait d’ordinaire prémonitoire mais que son esprit cartésien prit de haut, d’un air de « même pas peur » qui l’habita tout le long du chemin pour rejoindre la soirée à laquelle il se rendait,
entre autres choses pour retrouver l’héroïne, la belle et douce Cindy qu’il comptait bien séduire de manière cartésienne avec là aussi, un air de « toujours même pas peur » qui l’encourageait à toujours plus presser le pas, lorsque, relevant la tête, il vit au milieu de la rue déserte une créature lui barrer le chemin, rouge, blanche et ridiculement petite, qui le regarda, que Mike regarda, qui le regarda, que Mike regarda, tandis qu’une boule de branchages passée dans son dos poussée par le vent et que la créature le regardait et que lui la regardait en retour,
jusqu’au moment où la lassitude du regardage atteint un paroxysme qui sonna l’assaut de la créature alors que Mike ne pouvait que regarder la bestiole se ruer sur lui, cartésiennement tétanisé qu’il était, avec un air de peur sur le visage qu’il se vit bientôt arracher par les coups de griffe rageux qui eurent tôt fait d’effacer regard, yeux, globes oculaires et toutes autres formes d’expression du pauvre Mike qui n’atteindrait jamais sa soirée, laissant la belle et douce Cindy rire aux éclats et trinquer avec des esprits moins cartésiens que le sien.