Bill, Oliver, Michael, Bryan se retrouvèrent comme à leur habitude le samedi afin de passer la journée, puis la soirée, puis la nuit à jouer à leur jeu vidéo préféré,
affrontement ludique et stratégique entre amis, au cours duquel les joueurs, débordant d’excitation, torturent leurs manettes et leurs boutons, les yeux hypnotisés par l’écran de la télé géante du salon, lâchés dans un labyrinthe vu de haut, et cherchent à faire exploser leurs camarades à coup de bombes duo dimensionnées, activité ludique sans pardon ni loi sociale, où chaque disparition occasionne rires et moqueries et affirmations d’être le meilleur jusqu’à sa propre explosion, rotation des rôles qui roule jusqu’au petit matin, où généralement achevés et morts de fatigue les duellistes s’endorment vautrés les uns contre les autres sur le canapé encore plus épuisé qu’eux, au milieu des cartons de pizza et des cannettes vides,
sauf que cette fois-ci, alors qu’ils étaient lancés dans une partie endiablée, dont l’issue ne semblait pas vouloir se décider, le jeu prit les commandes et un compte à rebours s’enclencha, s’affichant en chiffres énormes sur l’écran, une voix synthétique vociférant que la fin était proche, mode de jeu original qui les amusa beaucoup et renforça chez chacun l’ardeur à détruire son prochain, tandis que les bombes grossissaient à mesure que le décompte défilait, occupant tous les pixels de l’affichage et rendant ainsi le jeu impraticable,
les quatre amis se regardèrent, hilares, tout heureux de la découverte de cette nouvelle façon de jouer, posèrent leurs manettes et se mirent à danser, à trinquer, à répéter que c’était trop fort, puis crièrent les cinq dernières secondes, bras dessus, bras dessous, comme on attend la fin d’un match victorieux, alors qu’une seule grosse bombe noire prenait maintenant tout l’écran, ils prirent leur élan pour célébrer le passage du un vers le zéro, mais la détonation leur offrit bien plus, les propulsant tous les quatre vers une aire de jeux d’où ils ne reviendraient pas.