L’ère mécanico-vectorielle était bien installée. Les espèces articulées avaient chacune trouvé leur territoire et le Conseil qu’elles formaient était parvenu à assoir leur domination sur la Ville des Lumières.
Il se trouvait cependant une espèce sans attache géographique définie. Leur déplacement ondulé, aérien, leur œil ouvert à tous degrés, matonien: les poissons erraient solitaires, tristes d’aspect, à travers la ville, laissant trainer leurs récepteurs de ci de là.
Plutôt qu’une police instituée, ils offraient leur service de surveillance comme mercenaires auprès de ceux qui avaient orchestré la Grande Coupure, et qui détenaient à présent la réalité du pouvoir. C’était là leur rente et leur protection.
Aussi n’etait-il pas rare d’entendre parler d’arrangements entre surveillants et surveillés. Étrange système. L’avènement de l’ère mécanico-vectorielle s’opérait dans le mépris des valeurs proto-évolutionnaires. La faune clinquante ne connaissait que le calcul et ignorait la morale.