Il était à présent 3h du matin et la musique hurlait à plein dans le club où la masse des corps dégoulinants de sueur s’agitait sur la piste de danse, ombres chinoises éclairées par intermittence, inscrivant ses mouvements dans un flash épileptisant, découvrant une pose différente à chaque jet de lumière,
et au milieu de cette ambiance apocalyptique, Oliver célébrait avec ses collègues et sans conviction les résultats financiers du groupe qui dépassaient tous les pronostics les plus fous et justifiaient que l’on se retourne l’entendement par l’effet conjugué de l’alcool, de la poudre et du bruit abrutissant, comme ça sans songer au lendemain, compétition testosteronée dans laquelle le premier qui vomit
perd son statut mâle et fera l’objet des moqueries de tout l’open space dès le lendemain,
et c’est à cette pensée précisément qu’Oliver sentit monter l’envie incontrôlable de tout rendre, souhaitant, avec un mépris certain pour ses camarades de bureau les arroser abondamment, les décorer de gerbe, bref, les noyer, et alors que l’idée le séduisait en partie, il se ressaisit et parvint à se retenir, prétextant un besoin urgent pour aller aux toilettes qu’il atteignit à pas pressés, traversant les couloirs du sous-sol, jusqu’au moment où n’en pouvant plus il s’appuya contre le mur et dégueula toutes ses consos du soir, l’estomac spasmé, la puanteur répugnante harcelant ses sens,
et ce n’est qu’après quelques minutes qu’enfin il avança vers le lavabo et put se passer de l’eau sur le visage, s’observer dans la glace puis remettre la tête sous l’eau, puis s’observer à nouveau, et répéter une troisième fois le rituel, lorsqu’il aperçut, en remontant de son ablution finale, dans le miroir, une forme tapie dans l’ombre dans son dos, une créature qui ne lui laissa pas même le temps de la surprise et lui transperça la gorge d’une griffe et le bas ventre d’une autre, le soulevant de terre et s’aspergeant ainsi que le mur derrière lui de son sang rouge sombre, offrant à Oliver comme ultime pensée, la preuve que quand y’en a plus y’en a encore.