La Ville des Lumières se divisait en quartiers, chacun avec à sa tête une espèce. Les représentants de ces quartiers formaient ensemble le Conseil qui veillait à ce que l’équilibre, trouvé dans la douleur au lendemain de la Grande Coupure, fut maintenu. Cependant, un territoire échappait à l’autorité du Conseil : le Royaume de la Marche Sud-Est.
Avant la prise de la Ville par les armées mécanico-vectorielles, les lions exerçaient une autorité absolue sur l’ensemble de cette faune. C’est à eux que prêtèrent allégeance tous les animaux car les lions avaient seuls œuvré à les unifier tous, leur promettant le renversement des Humains et l’avènement de leur ère. Ils les avaient organisés en armée, leur avaient enseigné la tactique. Ils savaient où frapper pour mettre l’ennemi en déroute et rapidement prendre le contrôle des points stratégiques.
Leur force et leur sagesse politique furent bien tôt reconnues par tous, ceux qui les admiraient comme ceux qui souhaitaient en tirer profit. Pour ces derniers, les lions apparaissaient comme un parfait fer de lance pour enfoncer les lignes adverses. Néanmoins, passée cette utilité, il leur faudrait se débarrasser d’eux pour prendre le pouvoir.
Aussi ces espèces animées par la convoitise passèrent une entente entre elles et livrèrent à l’ennemi les positions des généraux félins. Elles laissèrent ainsi les lions mener l’assaut et se perdre dans les affrontements meurtriers les opposant aux Humains qui les attendaient. Elles profitèrent de cette diversion pour s’emparer chacune de leur quartier.
Les lions étaient décimés et un seul d’entre eux survécut. Avec sa cour de fidèles et les restes de son armée, il parvint à prendre le contrôle des zones Sud Est de la Ville, noeud indispensable de l’alimentation électrique et siège central des connaissances scientifiques et technologiques réunies au sein de la Grande Bibliothèque.
Ce butin de guerre, si chèrement acquis, força le Conseil à reconnaître le Royaume du Lion Survivant. L’avance technologique de ce dernier lui permettait en effet de faire peser une menace politique et militaire dangereuse sur le fragile équilibre que ses voisins morcelés en quartiers avait construit. Il était une force avec laquelle il fallait compter, un mâle nécessaire.