Elle \u00e9tait parfaite. Elle ondulait lentement, laissant ses mains glisser sur tout son corps. Son d\u00e9hanch\u00e9 suivait une musique qu’il trouvait un peu quelconque et en m\u00eame temps parfaitement adapt\u00e9e \u00e0 la sc\u00e8ne, un rythme \u00e9touff\u00e9 sur lequel passaient quelques notes de saxo.
\nPuis elle \u00f4ta ses v\u00eatements un \u00e0 un, jusqu’\u00e0 se retrouver quasiment nue, sur ses genoux, son pouce droit emportant la dentelle de son dessous tandis que sa main gauche cachait quelques instants encore sa poitrine.<\/p>\n
<\/p>\n
Pause.<\/p>\n
Il la mit sur pause. L\u00e0, elle \u00e9tait splendide.
\nIl quitta son fauteuil, gardant le casque sur la t\u00eate, et se mit \u00e0 tourner dans la pi\u00e8ce, autour du point-m\u00eame o\u00f9 elle apparaissait en projection, la regardant sous tous les angles, sous le charme. Il avait l’impression de pratiquement pouvoir la toucher… pratiquement.<\/p>\n
La qualit\u00e9 des projections immersives avait fait de grands progr\u00e8s. Les capteurs des casques connect\u00e9s parvenaient aujourd’hui, en plus de l’enregistrement des donn\u00e9es physiologiques, \u00e0 d\u00e9crypter en direct les sentiments, les \u00e9motions, ainsi que les volont\u00e9s associ\u00e9es, r\u00e9alistes ou fantasm\u00e9es, et projetaient ainsi des animations uniques, fabriqu\u00e9es en temps r\u00e9el par le d\u00e9sir de leurs utilisateurs.
\nToute l’activit\u00e9 physique et c\u00e9r\u00e9brale r\u00e9sultant de ces nouveaux divertissements \u00e9taient autant de donn\u00e9es collect\u00e9es par les g\u00e9ants du neuro-market.<\/p>\n
En un strip tease, les donn\u00e9es transmises permettraient d’\u00e9valuer la sant\u00e9 cardiaque du cobaye, de lui recommander une di\u00e8te adapt\u00e9e, de lui proposer une salle de sport \u00e0 proximit\u00e9, de lui indiquer des profils optimaux sur les sites de rencontres, de lui faire des recommandations vestimentaires selon les pr\u00e9f\u00e9rences globales d’un panel repr\u00e9sentatif de ces choix optimaux, ainsi que la lessive qui va avec.<\/p>\n
La technologie r\u00e9alisait le fantasme de tous vendeurs: explorer, archiver, traduire en propositions pubs instantan\u00e9es chaque indicateur humain. Mieux dot\u00e9 qu’une police gouvernementale, le marketing global contribuait \u00e0 l’administration du monde, double mercantile de l’\u00e9tat civil, syst\u00e8me auquel tous adh\u00e9raient sans vouloir l’admettre… comme on visite un site de charme.<\/p>\n
Je vous recommande l’excellent documentaire \u00ab\u00a0une contre-histoire de l’Internet\u00a0\u00bb diffus\u00e9 en 2013 sur Arte (fiche wiki<\/a>). Le film donne la parole \u00e0 une s\u00e9rie d’intervenants de diff\u00e9rents pays et de diff\u00e9rentes comp\u00e9tences, et qui ensemble retracent l’histoire du web, ses questions l\u00e9gales, sa neutralit\u00e9, l’open source, ses enjeux civiques et politiques parmi lesquels la vie priv\u00e9e.<\/p>\n